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Douglas Harding
Le plus beau jour de ma vie – ma nouvelle naissance en quelque sorte – fut le jour où je découvris que je n’avais pas de tête. Ceci n’est pas un jeu de mots, une boutade pour susciter l’intérêt coûte que coûte Je l’entends tout à fait sérieusement : je n’ai pas de tête. Je découvris instantanément que ce rien où aurait dû se trouver une tête, n’était pas une vacuité ordinaire, un simple néant. Au contraire, ce vide était très habité. C’était un vide énorme, rempli à profusion, un vide qui faisait place à tout – au gazon, aux arbres, aux lointaines collines ombragées et, bien au-delà d’elles, aux cimes enneigées semblables à une rangées de nuages anguleux parcourant le bleu du ciel. J’avais perdu une tête et gagné un mondeTout cela me coupait littéralement le souffle. Il me semblait d’ailleurs que j’avais cessé de respirer, absorbé par Ce-qui-m’était-donné : ce paysage superbe, intensément rayonnant dans la clarté de l’air, solitaire sans soutien, mystérieusement suspendu dans le vide, et (en cela résidait le vrai miracle, la merveille et le ravissement) totalement exempt de « moi », indépendant de tout observateur. Sa présence totale était mon absence totale de corps et d’esprit. »
Voir son visage originel de José Le Roy, Editions Almora.
Quel était ton visage originel avant la naissance de tes parents ? est souvent considéré comme le koan le plus important. Il est en tous les cas le plus répandu. Ce koan a trouvé un prolongement, ou un écho, remarquable chez Douglas Harding et son « homme sans tête ».
José Le Roy, familier de l’oeuvre de Harding, retrace dans ce livre l’histoire du célèbre koan depuis sa naissance supposée dans la Chine du VIIIème siècle jusqu’à nos jours, à travers la manière dont des instructeurs, passés ou plus proches de nous temporellement, ont su l’utiliser.
Le koan zen « Voir son Visage originel » a imprégné le tchan chinois et le dzogchen tibétain avant de s’épanouir dans le zen japonais mais il trouve sa place, sous d’autres formes, dans de nombreuses traditions. Connaître son « Visage originel » « équivaut à connaître le parfait éveil ». Douglas Harding « a mis le Visage originel au cœur de sa méthode de transmission spirituelle (appelée la Vision sans tête) » rappelle José Le Roy. Il est sans doute en Occident celui qui a poussé le plus loin l’investigation de ce koan.
L’ouvrage propose quatre parties. La première aborde l’histoire de l’expression « Visage originel » depuis son apparition dans le bouddhisme. Dans la deuxième partie, José Le Roy propose « une réflexion philosophique sur le lien entre le Visage originel et notre vraie nature et interroge le pouvoir d’éveil de l’expression elle-même. La troisième partie, pratique, évoque les manières de prendre conscience de ce Visage originel. La dernière partie est consacrée à la déesse indienne Chinnamasta, « celle qui a la tête coupée » et propose une étude comparative entre la pensée de Lévinas et celle de Harding.
Le koan s’inscrit dans une approche non-dualiste, directe, libre de croyances, conditionnements et présupposés.
« La vision du Visage originel est une vision non-duelle, au-delà du sujet et de l’objet, au-delà de l’intérieur et de l’extérieur. L’expérience du satori nous fait sortir de la vision habituelle du monde et nous fait vivre un mode d’existence nouveau. La non-dualité nous conduit à dépasser les paires d’opposés comme vide et forme, nirvana et samsara, absolu et relatif, éveil et non-éveil, et également les notions de bien et de mal. (…)
Cette vie au-delà du bien et du mal ne signifie pas pour autant que le zen ne se soucie pas de moralité, ou que les maîtres zen ne se soucie pas de moralité, ou que les maîtres zen agissent de manière égoïste et irresponsable, bien au contraire. La découverte du Visage originel, qui est l’éveil à notre vraie nature, nous ouvre à la compassion et à la bonté. En effet, la vie n’est plus centrée alors sur l’individu et son visage dans le miroir, mais sur l’espace d’accueil inconditionnel que nous découvrons au-dessus de nos épaules et qui est libre de l’ego, et vraiment désintéressé.
Douglas Harding disait souvent qu’en perdant sa tête, on trouvait don cœur, ce qui est très juste. En perdant son attachement au personnage auquel nous nous sommes si longtemps identifiés, une nouvelle vie s’ouvre à nous, beaucoup plus aimante. »
L’acéphalité sacrée que l’on retrouve dans beaucoup de courants traditionnels évoque avec puissance la liberté totale de l’être affranchi de la personne.
« Ce que le koan cherche à nous faire comprendre, insiste José Le Roy, c’est que notre identification au visage est une erreur, une folie. (…)
Celui qui se perd dans les images corporelles devient lui-même une image, aveugle à sa propre identité ; il devient une ombre aux royaumes des ombres. L’âme doit revenir à elle-même, s’arracher à la séduction du corps et de son propre visage, et remonter jusqu’à sa nature divine.
Où trouver l’éveil merveilleux de notre face véritable ? »
Ce livre simple et profond introduit avec force au sens initiatique du visage et du masque.
Editions Almora, 43 avenue Gambetta, 75020 Paris, France.
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