• Le Tibet est le dernier pays d’Asie à avoir reçu le bouddhisme et a bénéficié ainsi des grandes synthèses, doctrinales et pratiques, qui avaient auparavant été formalisées en Inde. Cette diffusion du bouddhisme indien au Tibet s’effectua en deux temps : une première diffusion eut lieu au VIIIe siècle, grâce, notamment, au personnage semi-légendaire de Padmasambhava (ou Guru Rinpoché) ; elle donna naissance à l’école qu’on appelle aujourd’hui nyingmapa (l’école « ancienne »). Une deuxième diffusion lui succéda, au XIe siècle, qui donna naissance à des écoles « nouvelles » (sarmapa), représentées aujourd’hui par deux courants : kagyüpa et sakyapa. Ces trois écoles se rattachent donc à des enseignements et à des enseignants d’origine indienne, à partir desquels elles développèrent leur propre tradition.

    L’école gelugpa (à laquelle se rattache le Dalaï-Lama) n’apparut, elle, qu’au XIVe siècle et est donc proprement tibétaine.

    Ces écoles tibétaines appuient leurs enseignements sur la doctrine et la philosophie du Mahâyâna (le « Grand Véhicule ») que complètent des pratiques présentées dans des textes appelés tantra. Chaque tantra propose un ensemble particulier de pratiques variées et précises (sâdhana) : rituels, méditations, visualisations. Leur complexité, et le caractère hautement symbolique de leur présentation, réclament l’enseignement indispensable d’un guru (lama en tibétain). Le principe essentiel des tantras est la « transmutation » des émotions et des passions, qui permet au pratiquant de développer sa « nature de Bouddha ». Le dzogchen, quant à lui,  vise à reconnaître et à faire surgir directement la nature réelle de l’esprit, naturellement éveillée. Les pratiques tantriques se présentent ainsi davantage comme une voie de transformation, alors que le dzogchen se veut une voie directe, « sans efforts ni distraction ». Sous son influence se développa aussi la pratique du mahâmudrâ, très proche du dzogchen mais qui reste essentiellement tantrique.
    L’école gelugpa (à laquelle se rattache le Dalaï-Lama) n’apparut, elle, qu’au XIVe siècle et est donc proprement tibétaine.

    La distinction entre les différentes écoles (et parfois, aussi, leurs courants internes) est essentiellement due aux textes et aux « lignées de transmission » auxquels chacune se rattache, ainsi qu’à des caractéristiques sur lesquelles elles insistent davantage.

    Ainsi, l’école nyingmapa privilégie elle l’enseignement du dzogchen, alors que les autres écoles proposent plutôt un parcours fondé sur les pratiques tantriques, parachevées par l’enseignement du mahâmudrâ. D’autre part, l’école sakyapa est réputée pour son enseignement philosophique et l’école gelugpa  pour la rigueur de sa pratique monastique et l’importance qu’elle accorde à l’étude.

    http://www.tcheulang.org/les-4-lignees/


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  • Mâ Ananda MoyîMa Ananda Mayi (ou Mayee ou encore Moyi) a été unanimement reconnue comme la plus grande sainte de l'Inde du 20ème siècle. Elle était en fait une avatar cosmique. 

    De nombreux disciples lui ont construit plusieurs ashrams dans toute l'Inde; jeune, elle a reçu peu d'enseignements; plus tard, il s'est avéré qu'elle les connaissaient tous; elle n'a pas enseigné mais a seulement répondu aux questions, dans l'esprit de ceux qui les posait. 

    Sa présence procurait, à ceux qui l'approchaient, beaucoup plus que tout enseignement.

    Sa vie

    Ma Ananda Mayi est née sous le nom de Nirmala Sundari Devi le 30 avril 1896 à Tripura, dans le Bengale oriental, qui fait actuellement partie du Bangladesh. 

    Ses parents étaient des brahmanes très évolués. 

    Son père, après la naissance d'une première fille, est parti pour mener une vie d'ascète, mais la mort de l'enfant l'a fait revenir auprès de sa femme. 

    Sa mère était une perle parmi les femmes, écrivant des poèmes et de la musique. Enceinte, elle a rêvé en permanence que la Lumière entrait dans sa maison. L'accouchement a eu lieu sans aucune douleur. Elle a mis au monde une perle encore plus brillante qu'elle.

    Jeune, Ma Ananda Mayi était une fille modèle, serviable, amie avec tous, hindous et musulmans. Elle accompagnait son père aux cérémonies religieuses et aidait sa mère à élever les enfants nés après elle.

    Très vite, elle a manifesté des périodes d'absence, ayant le regard fixe, totalement inerte, faisant craindre au début qu'elle soit "simple d'esprit". Puis l'entourage s'est rendu compte qu'il s'agissait de longues méditations dont personne ne pouvait la tirer.

     

    Mariée à l'âge de 13 ans, son époux a vu en elle un être exceptionnel et a de suite demandé à être son disciple. 

    Elle a exploré tous les yogas en six ans, sans guru et sans lecture des textes sacrés. Elle a appelé ce chemin son "Lila du sadhana" c'est-à-dire "jeu divin pour parvenir au but". Elle a alors reçue le nom de "Ma Ananda Mayi" c'est-à-dire "Mère pénétrée de béatitude". De nombreux disciples se sont très vite groupés autour d'elle, et en 1929 un premier ashram a été édifié à Dacca. En 1932, elle est allée au pied de l'Himalaya, où un second ashram a été construit en 1936 à Dehradun.

    Elle a ensuite sillonné toute l'Inde, pendant des dizaines d'années, pour apporter aide et réconfort spirituel; de nombreux autres ashrams ont été construits, à Calcutta, Bénarès... Elle ne mangeait presque pas, son entourage craignait toujours pour sa santé, ce qui l'amusait beaucoup.

    Saï Baba a dit un jour à des personnes qui venaient le voir: "Vous avez vu Ma Ananda Mayi, que voulez-vous de plus?". 

    Yogananda lui a consacré un chapitre complet dans sa célèbre "Autobiographie d'un Yogi".

    Elle a quitté son corps le 28 août 1982 dans son ashram de Dehradun.

    Son oeuvre

    Elle a autant enseigné par sa présence que par les paroles qui ont été rapportées. Elle s'est contentée de répondre aux questions. Ses réponses ne venaient pas de l'intellect, mais d'un état supérieur de conscience, trouvant les termes adaptés aux personnes en face d'elle. Bien que citant des doctrines, des philosophies, les textes sacrés hindous, elle se situait au delà. Elle a dit: "Je suis hindoue, musulmane, chrétienne... tout ce que vous voulez".

    "Je n'ai aucun sens de l'ego ni de la séparation. En moi, chacun de vous a dans une égale mesure la hauteur et la profondeur de l'éternité".

    Seules quelques réponses particulièrement importantes seront partiellement citées.

    "Qu'y a-t-il en ce monde? Absolument rien de durable; c'est donc vers l'Eternel que nos aspirations doivent tendre. Priez pour que soit pur le travail accompli par votre intermédiaire car vous êtes Son instrument. Souvenez-vous de Lui dans toutes vos actions. Plus pure sera votre pensée, plus belle sera votre oeuvre. Dans ce monde, vous recevez une chose et demain elle aura peut-être disparu. C'est pour cela qu'un esprit de service doit animer votre vie; éprouvez donc le sentiment que dans tout ce que vous faites le Seigneur accepte que vous Le serviez."

    "Le mot manush (homme) dérive de man (mental) et ush (conscience), ce qui témoigne de l'éveil et de la vigilance du mental. Ceci démontre que l'homme est naturellement appelé à rechercher la connaissance du Soi. [...] Il est évident que le corps humain vit par la respiration et de là provient la souffrance. On trouve sur les routes de la vie deux sortes de pèlerins: le premier, tel un touriste avide de voir toutes sortes de choses, va de place en place, sautillant pour son plaisir d'une expérience à une autre. L'autre suit le chemin qui convient à l'être réel et qui le conduit dans sa vraie demeure, la connaissance du Soi. Si l'on entreprend le voyage pour son seul plaisir et par curiosité, on rencontre certainement la douleur. La souffrance est inévitable tant que l'on n'a pas trouvé sa vraie demeure. Le sens de la séparation est à la racine même de la souffrance car il repose sur une erreur, sur la notion de dualité".

    Ma a répondu à la question suivante qui revient souvent dans l'esprit des "étudiants en spiritualité": On prétend que les choses sont ce qu'on croit et seulement ce qu'on les croit. Par exemple, si je crois que le prasad (1) m'apporte une bénédiction, il le fera, mais si je ne le crois pas, il ne le fera pas. Qu'est-ce qui est alors imagination ou vérité réelle? 

    Réponse: "L'imagination est une des activités du mental. Le prasad apporte toujours des bénédictions, que vous le croyez ou non [...] Que vous y croyez ou non, n'importe quel objet consacré à Dieu vous apporte une bénédiction. C'est pourquoi je conseille toujours d'offrir à Dieu la nourriture que l'on va prendre." 

    Ma indique que, dans ces conditions, si une nourriture ne convient pas, la maladie s'installera rapidement et il faudra arrêter de la consommer. 

    (1): Offrande de nourriture à Dieu.

     

    Question: "La réalisation du Soi dépend-elle du gourou ou survient-elle indépendamment?" 

    Réponse: "Il faut tout d'abord se rendre compte que c'est l'action exercée par le pouvoir du gourou qui fait agir la force de volonté, en d'autres termes on peut dire que cette force de volonté dérive du gourou [..] Certains chercheurs de la Vérité veulent avancer sans gourou, car dans leur voie l'accent est mis sur l'action personnelle, sur le fait qu'ils ne doivent compter que sur leurs propres efforts. Si vous remontez jusqu'à la source de cette question, vous verrez que, dans le cas d'une personne qui accomplit une sadhana sous l'impulsion d'une aspiration intense et qui compte sur ses propres forces, l'Etre suprême se révélera Lui-même d'une manière spéciale, du fait de l'intensité de cet effort individuel [...] tout ce qui peut être dit ou demandé à ce sujet relève du domaine de la pensée humaine, qui est limité."

    A propos des intellectuels, elle a dit: "Comprendre intellectuellement, cela signifie être soumis à des conceptions mentales et cela vous empêche de saisir la Vérité."

    "Comment éviter ce dilemme, cette oscillation entre bonheur et malheur? Vous vous laissez aller dans ces petites joies de tous les jours, mais vous ne vous souciez pas de découvrir la source [...] Ne voyez-vous pas que ce monde n'est qu'une auberge de passage? Nous y rencontrons d'autre pèlerins. Le but de la réunion finale est le Soi (Atman). Mais cela, vous l'oubliez; vous vous identifiez à votre corps et forgez ainsi le premier maillon de la chaîne de toutes les misères de la vie [...] S'il est vrai qu'un voile d'ignorance obscurcit votre vision, il est tout aussi vrai qu'il existe un moyen de s'en sortir [...] «Dieu existe et il faut que je le trouve», doit devenir le leitmotiv de votre vie."


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  • Très tôt, je fus poussée de l'intérieur par une forte exigence de cNicole Montineriompréhension.

    Dès ma jeunesse, le questionnement sur soi, sur le monde, sur le sens de la vie, occupa l'essentiel de ma pensée. Il me semblait que je n'avais pas le choix, que mon existence n'avait pas d'autre chemin à prendre que celui-ci. Enfant sensible, je ressentais tout avec intensité et j'avais une perception aiguë de la nature éphémère de toute chose.

    Ma tendance naturelle à m'intérioriser provoqua le démarrage d'un parcours solitaire pendant plus de 30 ans, à la découverte du mystère de l'éternel caché au fond de nous. Ce sont les livres, nombreux, qui m'aidèrent tout au long de ce cheminement. Mon esprit explora intensément toutes les réponses avant de comprendre qu'il n'était pas l'instrument approprié pour réaliser l'infinie liberté. 

    C'est lorsque cette quête fut abandonnée que je découvris ce que je cherchais. 

    La réalisation survint d'un coup, lors d'une grave maladie en 2006. Je pus contempler la réalité de la nature immortelle et illimitée de la conscience.

    Dans cet état si proche de la mort que j'ai connu, ma propre conscience, pure, vide d'objet, n'était plus que conscience conscience-de-soi, reliée au flux lumineux au point de s'y dissoudre.

    Grand ouverte, sans limite, elle embrassait l'espace de l'univers entier.

    La sensation était douce, paisible. J'étais en paix, comme si j'avais été là depuis toujours. Moment d'atemporalité.

    La conscience était passée sur un autre plan de réalité. La lumière qui la traversait n'occupait pas un monde objectif qui l'aurait entourée : elle était sa substance même.

    Je sus que ce qui était vu était le déploiement de ma propre conscience. C'était bien une réalité non duelle que je vivais, car il n'y avait plus de différence entre celui qui percevait et ce qui était perçu. Les perceptions étaient l'expression même du rayonnement de ma conscience.

    Tout était clair. Une compréhension profonde et subtile de la vie, qui me donna le sentiment d'appartenir à une unité cosmique ayant un sens, me pénétrait sans entrave. Ce fut le silence du vide cosmique qui m'enseigna, avec un amour infini qui laissait être.


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  • Gerta ItalChaque soir, j'allais au sanzen (bref entretien avec le Maitre). Le Rôshi, conscient tout comme moi de mon prochain départ, me forçait avec une intensité croissante à pénétrer dans le domaine de l'Un. Comme à sa question : De quelle façon sentez-vous la «seule main»?(Gerta Ital travaille sur le koan : quel est le son d'une seule main qui applaudit); je répondis : « L'Un est la forme et aussi l'absence de forme. La "seule main" est tout. Je suis cette main ». Il s'écria, et sa voix tonnait comme de l'airain : « Il n'y a pas de « je », il n'y a que l'Un ! »Le soir suivant, comme je m'agenouillais devant lui, il ne posa pas de question, mais dit aussitôt :

    « Il n'y a pas de Gerta Ital, il n'y a pas de Rôshi, il n'y a que l'Un ! » 

    Quand, après le zazen, je rentrai vers dix heures dans ma chambre et allumai le poêle à pétrole dont j'étais redevable à la bonté du Rôshi, après la dépression spirituelle que j'éprouvais maintenant à chaque sanzen avec le Maître, je restai encore longtemps plongée dans ses paroles. Mon corps n'était plus que l'ombre de lui-même. Mais peu m'importait ; j'aurais préféré ne plus avoir de corps, qui constituait toujours un obstacle, le détruire par l'esprit, afin d'être totalement libre.

    Le 8 novembre la « percée » se produisit. La veille au soir, le Rôshi avait de nouveau posé la question :

    « Comment éprouvez-vous le son de la seule main »? » et je répondis, approfondissant la question : «L'Un vit de lui-même. Il vit sa vie en moi, en tous les êtres. » Le Rôshi prit une inspiration profonde, comme toujours lorsque "Cela" parlait à travers lui. Quand il parla finalement, sa voix était très douce, pourtant l'effet de ses paroles n'aurait pas pu être plus électrisant que si un éclair de lumière m'avait traversé et rempli de feu. (Et cela quoiqu'elles ne signifiassent rien d'autre que ce qui avait déjà été exprimé bien des fois, en réponse à mes propres paroles) :

    « II n'y a pas d'intérieur. Il n'y a pas d'extérieur. Il n'y a que l'Un ! »

    Je ne sais pas pourquoi c'est justement ce mot qui donna la solution du kôan, après que du point de vue spirituel tout fût devenu clair depuis longtemps déjà. Souvent, quand on prend connaissance des expériences d'un élève, on s'aperçoit que pour celui-ci, qui se tourmentait jusqu'à l'anéantissement avec son kôan, il suffit parfois d'une occasion insignifiante pour que les dernières barrières disparaissent.

    Pour moi ce furent les paroles : « Il n'y a pas d'intérieur. Il n'y a pas d'extérieur » qui permirent d'abattre les barrières ébranlées depuis longtemps.

    Pendant la nuit, je continuai de méditer sur ces paroles et c'est alors que cela se produisit : Il n'y avait plus de kôan, plus de différences, même le moi n'existait plus. Il n'y avait que l'Un. Après avoir dormi trois heures à peine, je me remis de très bonne heure au zazen et l'expérience de la nuit se reproduisit. J'atteignis plus rapidement qu'auparavant la profondeur du samadhi, mais ensuite il s'étendit à l'infini. Pendant que j'écris cela, je me pose la question : l'expression « à l'infini » est-elle bien celle qui convient ? Oui et non. Non, surtout parce que ce mot signifie pour nous une chose, même si cette chose est indéfinie. Mais cela ne convient pas. En ce qui me concerne,

    cela ne se manifesta pas comme une vision. Ce n'était pas non plus un ravissement. Si je tente d'exprimer ce que je ressentais, en toute simplicité et sans fioritures, je ne peux que dire : il n'y avait plus rien et moi aussi je n'étais plus rien.

    Mais ce néant n'était qu'un néant apparent. C'était la vie elle-même. Et cette vie m'absorbait. Cette vie était le Tout dans l'Un. Mais la participation à ce « Tout en Un » est justement ce qu'on ne peut décrire, ce qui se refuse à être exprimé en paroles. Rien (ce qu'on en dirait ne peut convenir, car même l'expression que j'avais employée auparavant, « béatitude pleine de paix, qui serait peut-être la plus adéquate, ne permet de rendre qu'une partie du tout. Mais comment pourrait-on décrire en paroles l'Être sans forme, l'Être en tant qu'état, la Vie en tant que vie en soi, trouver les mots susceptibles non seulement de désigner, mais aussi d'exprimer l'Être lui-même ? Ce n'est pas possible et j'échoue dans cette entreprise, comme d'autres ont échoué avant moi.

    Ce matin-là je ne pensais cependant pas à tout cela. Rien ne pouvait me retenir. Je devais aller trouver le Maître et me joignis au zazen du matin qui était réservé en principe aux moines vivant dans le zendô.

    Lorsque, frémissante d'émotion, je pénétrai dans la pièce du sanzen, le Maître sut aussitôt ce qui s'était produit et, comme je me mettais à genoux devant lui, il me questionna vec douceur et affection sur le « son de la seule main ». Ma façon de répondre dût être celle de quelqu'un de complètement bouleversé, ébranlé jusqu'au tréfond de son être. Par bribes, d'une voix saccadée qui semblait venir d'un autre monde, pendant que tout mon corps vacillait comme avant un effondrement final, je lui racontai en balbutiant mon expérience de l'Un. Il hocha la tête et s'écria radieux :

    « Only one hand ! only one hand ! » (Seulement une main, seulement une main !).

    Je levais les yeux vers lui ; son visage était rayonnant et avant de lever la main pour prendre la clochette et l'agiter pour indiquer la fin du sanzen, il me fit encore un signe de tête.

    J'étais à peine capable de me relever et fus sur le point de tomber pendant que je faisais la dernière prosternation, la sueur me coulait le long du corps, je chancelais comme prise d'ivresse en sortant de la chambre du sanzen et en allant dans le couloir jusqu'à ma chambre, où je me laissais tomber sur le lit qui n'était pas encore rangé. Pendant plus d'une heure je continuai de trembler, comme par un grand froid, avant de pouvoir me calmer. Les lignes que j'écrivis alors dans mon journal sont irrégulières, comme si je les avais écrites dans un train en marche.


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  • SomasekhaSomasekha est née au Cambodge.

    Lorsque la guerre éclata, elle dut quitter son pays à l'âge de cinq ans. Accueillie en France, elle y grandit, fit ses études de droit et devint juriste. Très jeune, elle fut animée par la quête du sens de la vie et du bonheur véritable. Elle put ainsi accompagner et soigner nombre de personnes pendant huit ans. Au cours de cette période, lors d'un voyage, surgit " l'évidence cachée " " Par un bel après-midi hivernal, alors que je me promenais dans les rues et les jardins d'Amsterdam, le voile se déchira ; le sentiment d'être un individu séparé s'évanouit. Il n'y avait alors plus de temps, ni d'intérieur ni d'extérieur. Plus de sujet ni d'objet. Ce que je croyais être le monde apparaissait sous un jour nouveau et dans une fraîcheur insoupçonnée. Au-delà de la frontière duelle, il se révèle comme étant la radiance naturelle de la conscience infinie ; l'expression libre de sa joie, de son extase,  de son amour inconditionnel. L'amour est le chant de liberté de la conscience ; son parfum de vie ; son sourire divin. Il embrasse toute chose ; il est toute chose. Dans l'espace ouvert et clair de cette évidence, il y avait plénitude et éveil à la beauté de la vie. Plénitude d'avoir retrouvé sa terre originelle ; Plénitude de paix et d'amour ; Plénitude du Cœur. " Aujourd'hui, Somasekha partage le parfum du coeur au travers de rencontres et de séminaires qu'elle anime.

     

     

     

     


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  • Jean-Michel Jutge« L’année de mes 21 ans, je devais vivre une expérience qui changea radicalement et de manière irréversible la perception que j’avais du monde. Après une séance de Hatha Yoga bien menée, au cours d’une méditation, mon regard plongea à l’intérieur de la colonne vertébrale. Ma vision se concentra sur une sorte de tunnel avec, au fond, une lumière qui fut immédiatement projetée vers moi. Je sentis un picotement très fin s’élever du bas du dos et atteindre la tête en quelques instants. Plus le temps passait, plus le picotement devint intense, avec pour effet d’augmenter considérablement ma sensibilité. Au-dessus de ma tête, une petite colonne faite d’énergie et de conscience prit forme. Le monde me parut soudain d’une netteté jamais vue et un grand nombre de phénomènes eurent lieu ce jour-là. En présence d’autres personnes, ou lorsque mon regard se posait sur elles, l’environnement se transformait littéralement sous mes yeux, dans sa forme, ses couleurs, son intensité, dans sa consistance. Il apparaissait alors tel que l’autre le voyait. Pendant plusieurs heures d’affilée l’énergie devint de plus en plus forte jusqu’à ce que je sois pris dans un océan de lumière et d’énergie, le corps littéralement en feu. Puis ce fut l’embrasement total et je perdis toute conscience du corps ; je crus que j’étais en train de mourir. Puis, je n’eus plus conscience que de lumière, une sensation de dilatation infinie, suivie d’une sensation de rapetissement jusqu’à n’être plus rien sinon un point. Au bout d’un certain temps, je repris lentement conscience du corps. Il se dessina alors devant mes yeux des volutes lumineuses de grande intensité, de couleur bleue et blanche, animées d’un mouvement de fuite. J’eus soudain comme une révélation sur mon état, je sus quelle était ma destinée et ce que je devais faire.Le flot continua d’augmenter, sans cesse, et tout se mit à vibrer, autour de moi et en moi, d’une intensité inimaginable. Au niveau de chaque chakra, et entre eux, se développa une sensation de chaleur, de plus en plus intense. On aurait dit qu’un liquide bouillant les traversait… Devant la violence du phénomène je me mis à prier Dieu, alors que j’étais athée. Je poussais alors un gros soupir. Dès cet instant, toute la situation changea. Immédiatement, un jet de feu bouillant jaillit par le sommet du crâne, retombant de chaque côté de mon corps pour l’envelopper d’une " aura " et d’une lumière d’or merveilleuse pendant que, simultanément, coulait dans la colonne vertébrale toute cette énergie.Le monde me paraissait alors merveilleux, le nectar qui coulait dans mon dos était d’une délicieuse jouissance. Mon corps s’était mis à rire et à pleurer de joie, alternativement, à trembler dans une crise qui, de l’extérieur pouvait ressembler à de l’hystérie. Je me découvrais d’une essence divine, le sentiment d’être réalisé. La suite est trop riche en événements pour être décrite en quelques mots, mais depuis ce jour, ma vie n’a rien de comparable à ce qu’elle était auparavant Si le phénomène en tant que tel, dès l’instant du soupir, est rentré dans un état d’équilibre complet, plus difficile a été son intégration au monde. Je me confrontais à mes proches qui ne comprenaient pas ce qui m’arrivait. Le nouvel être que j’étais se sentait porteur d’une véritable mission à accomplir, sentiment alimenté par les révélations multiples qui ne cessaient d’apparaî­tre. Je venais de naître au monde, et j’ai vraiment eu l’impression de devoir tout réapprendre avec un nouveau regard.La manière dont j’abordais l’existence se faisait avec une conscience inversée, comme si j’avais toujours vécu dans le miroir, et que tout s’était remis à l’endroit. Pendant un peu plus d’une année, je vivais une succession d’expériences et d’états de conscience que je ne contrôlais pas toujours mais qui rendirent difficile la vie dans laquelle je m’étais engagé jusque là. Une année d’étude où j’étais ballotté entre la découverte d’un monde et d’un univers fascinant et la nécessité d’accomplir un retour vers les tâches qu’exigeaient mes études, les travaux à l’hôpital la matinée, les cours dans les amphithéâtres l’après-midi, les travaux d’étude dans ma petite chambre d’université le soir, ce qui m’occupait à peu près 12 heures par jour, et des états de Samadhi qui saisissaient chaque occasion pour se manifester.Même si un éveil de Kundalini est maîtrisé et pris en charge par le Divin comme ce fut mon cas, il ne demeure pas sans conséquence sur la vie d’un individu et peut le rendre " atypique " et inadapté à la vie telle que la société veut nous l’imposer. La recherche de cet éveil ne peut se faire de manière anodine, et le chercheur qui s’engage sur cette voie doit pouvoir en peser à l’avance toutes les conséquences.Par ailleurs, les formes de Kundalini sont multiples, leur développement et leur résultat pouvant varier d’une forme à l’autre. Certaines sont peu recommandables car plus orientées vers le pouvoir de l’esprit, de par leur nature, plutôt que vers le développement de l’être ; mais pour un chercheur sincère, développant une qualité pure, les dangers sont peu importants, pas plus que ce qui peut nous arriver quotidiennement. Toutefois, un apprentissage préalable et le respect de certaines règles sont nécessaires.Il est difficile de présenter mon cas comme une généralité car ce ne fut pas un accident, cet éveil a été sollicité par un pouvoir supérieur. C’est pour cela qu’il fut soudain, puissant, complet, et qu’il atteignit son point d’équilibre au bout de huit heures. Toute personne qui le vit ainsi, même si cela déclenche au préalable une grosse frayeur, ne court aucun danger. De même, lorsque je transmets l’énergie pendant un cours de yoga, par exemple, se transmet en même temps la composante divine qui fera en sorte que l’énergie se développera de manière équilibrée. Pas de danger non plus. En revanche, un risque de perturbation importante réside dans une approche forcée par une technique particulière. Tous les désordres physiques, énergétiques ou psychologiques sont alors amplifiés de même que les états positifs, pouvant entraîner exaltation et dépression importante. Le développement de l’énergie est alors sauvage car sans intelligence. »

    eveilimpersonnel.blogspot.fr/2007/08/un-ocan-dnergie-jean-michel-jutge.html


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  • Le plus beau jour de ma vie – ma nouvelle naissance en quelque sorte – fut le jour où je découvris que je n’avais pas de tête. Ceci n’est pas un jeu de mots, une boutade pour susciter l’intérêt coûte que coûte Je l’entends tout à fait sérieusement : je n’ai pas de tête. Je découvris instantanément que ce rien où aurait dû se trouver une tête, n’était pas une vacuité ordinaire, un simple néant. Au contraire, ce vide était très habité. C’était un vide énorme, rempli à profusion, un vide qui faisait place à tout – au gazon, aux arbres, aux lointaines collines ombragées et, bien au-delà d’elles, aux cimes enneigées semblables à une rangées de nuages anguleux parcourant le bleu du ciel. J’avais perdu une tête et gagné un mondeTout cela me coupait littéralement le souffle. Il me semblait d’ailleurs que j’avais cessé de respirer, absorbé par Ce-qui-m’était-donné : ce paysage superbe, intensément rayonnant dans la clarté de l’air, solitaire sans soutien, mystérieusement suspendu dans le vide, et (en cela résidait le vrai miracle, la merveille et le ravissement) totalement exempt de « moi », indépendant de tout observateur. Sa présence totale était mon absence totale de corps et d’esprit. »

     

    Voir son visage originel de José Le Roy, Editions Almora.

    Quel était ton visage originel avant la naissance de tes parents ? est souvent considéré comme le koan le plus important. Il est en tous les cas le plus répandu. Ce koan a trouvé un prolongement, ou un écho, remarquable chez Douglas Harding et son « homme sans tête ».

    José Le Roy, familier de l’oeuvre de Harding, retrace dans ce livre l’histoire du célèbre koan depuis sa naissance supposée dans la Chine du VIIIème siècle jusqu’à nos jours, à travers la manière dont des instructeurs, passés ou plus proches de nous temporellement, ont su l’utiliser.

    Le koan zen « Voir son Visage originel » a imprégné le tchan chinois et le dzogchen tibétain avant de s’épanouir dans le zen japonais mais il trouve sa place, sous d’autres formes, dans de nombreuses traditions. Connaître son « Visage originel » « équivaut à connaître le parfait éveil ». Douglas Harding « a mis le Visage originel au cœur de sa méthode de transmission spirituelle (appelée la Vision sans tête) » rappelle José Le Roy. Il est sans doute en Occident celui qui a poussé le plus loin l’investigation de ce koan.

    L’ouvrage propose quatre parties. La première aborde l’histoire de l’expression « Visage originel » depuis son apparition dans le bouddhisme. Dans la deuxième partie, José Le Roy propose « une réflexion philosophique sur le lien entre le Visage originel et notre vraie nature et interroge le pouvoir d’éveil de l’expression elle-même. La troisième partie, pratique, évoque les manières de prendre conscience de ce Visage originel. La dernière partie est consacrée à la déesse indienne Chinnamasta, « celle qui a la tête coupée » et propose une étude comparative entre la pensée de Lévinas et celle de Harding.

    Le koan s’inscrit dans une approche non-dualiste, directe, libre de croyances, conditionnements et présupposés.

    « La vision du Visage originel est une vision non-duelle, au-delà du sujet et de l’objet, au-delà de l’intérieur et de l’extérieur. L’expérience du satori nous fait sortir de la vision habituelle du monde et nous fait vivre un mode d’existence nouveau. La non-dualité nous conduit à dépasser les paires d’opposés comme vide et forme, nirvana et samsara, absolu et relatif, éveil et non-éveil, et également les notions de bien et de mal. (…)

    Cette vie au-delà du bien et du mal ne signifie pas pour autant que le zen ne se soucie pas de moralité, ou que les maîtres zen ne se soucie pas de moralité, ou que les maîtres zen agissent de manière égoïste et irresponsable, bien au contraire. La découverte du Visage originel, qui est l’éveil à notre vraie nature, nous ouvre à la compassion et à la bonté. En effet, la vie n’est plus centrée alors sur l’individu et son visage dans le miroir, mais sur l’espace d’accueil inconditionnel que nous découvrons au-dessus de nos épaules et qui est libre de l’ego, et vraiment désintéressé.

    Douglas Harding disait souvent qu’en perdant sa tête, on trouvait don cœur, ce qui est très juste. En perdant son attachement au personnage auquel nous nous sommes si longtemps identifiés, une nouvelle vie s’ouvre à nous, beaucoup plus aimante. »

    L’acéphalité sacrée que l’on retrouve dans beaucoup de courants traditionnels évoque avec puissance la liberté totale de l’être affranchi de la personne.

    « Ce que le koan cherche à nous faire comprendre, insiste José Le Roy, c’est que notre identification au visage est une erreur, une folie. (…)

    Celui qui se perd dans les images corporelles devient lui-même une image, aveugle à sa propre identité ; il devient une ombre aux royaumes des ombres. L’âme doit revenir à elle-même, s’arracher à la séduction du corps et de son propre visage, et remonter jusqu’à sa nature divine.

    Où trouver l’éveil merveilleux de notre face véritable ? »

    Ce livre simple et profond introduit avec force au sens initiatique du visage et du masque.

    Editions Almora, 43 avenue Gambetta, 75020 Paris, France.

    www.almora.fr


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  • Shrî Nisargadatta Maharaj
    Shrî Nisargadatta Maharaj ? Un personnage hors du commun. Il reçoit à l'entresol de sa maison. Une échelle de meunier conduit au sanc­tuaire. La chambre ne contient guère plus de 20 personnes à la fois. Près de l'étroite baie grillagée, Maharaj vit, assis en tailleur. Il fume des beedies, 4 ou 5 bouffées et la cigarette est vivement jetée dans un pot en cuivre. L'encens se consume à foison. Sa Présence fait surgir un espace : l'océan. On est au coude à coude, mais jamais d'oppression, malgré l'exiguïté des lieux. Maintenant, le public est plongé dans un mutisme méditatif : les questions sont encore volutes, le cri du cœur chemine dans le silence.

    La spontanéité de Maharaj peut nouer les langues, épaissir l'émotivité jusqu'à l'état de sang caillé. Jamais je n'ai rencontré un guru qui dégage une telle puissance vitale ! Ses yeux sont de feu noir, ils vous percent sans vous jauger, leur acuité est totale.

    Son énergie existe, une énergie libre. Une aisance si physique qu'on en subit la contagion : on se sent hissé vers une respiration plus large, vers une détente, mais en même temps, on perçoit ses propres aspérités, on se découvre des courbatures centenaires.

    L'homme est vivant en diable : il scande sa réponse (les mots crépitent) en martelant sa cuisse du plat de la main. Il peut lever les bras au ciel et les agiter comme deux sémaphores, ou bien exploser de rire, littéralement. Il peut encore houspiller l'assistance qui, du coup, en avale langue et quant-à-soi.

    « Posez des questions, nous sommes là pour parler, pas pour dor­mir ! Sinon, allez-vous-en ! »

    De telles sorties incitent les auditeurs à se terrer comme des lapins quand le tonnerre tire le canon, ou à aplatir le padmâsana (1) jusqu'au chapati (2). Soit. Pourtant, où est l'agressivité ? Où est la hargne ? Je n'en ai trouvé miette.

    On le dit « réalisé ». Il dit « Je suis ». II ne dit rien d'autre. Il ne vit rien d'autre. « Il est ». Il a la vigueur du fait nu : Une vérité si incandescente qu'elle effraie. Maharaj n'est pas un tiède. « Je ne suis pas ce corps », dit-il, « Je suis ».

    Ce sont des mots Ce sont des mots sans verbalisme. C'est la transmission d'une expé­rience et celui qui parle, c'est le Témoin de cet état.

    (1)  padmâsana : la position du lotus.

    (2)  chapati : crêpe indienne (notes de la rédaction).

     

     Chez Nisargadatta Maharaj par Alain Porte

     

     

    Question: Avons-nous la permission de demander comment vous vous êtes réalisé ? 

    Maharaj: Dans mon cas, ce fut quand même très simple et facile. Avant de mourir, mon Gourou, m’a dit : « Crois-moi, tu es la Réalité Suprême. Ne doute pas de mes paroles, ne sois pas incrédule. Je te dis la vérité. Sers-toi en. » Je ne pouvais pas oublier ses paroles et en n’oubliant pas – je me suis réalisé.

     

    Q: Mais qu’étiez-vous en train de faire?

    M : Rien de spécial. Je vivais ma vie, exerçais mon commerce, voyais ma famille, et je consacrais chaque moment libre à me rappeler de mon Gourou et de ses paroles. Il mourut aussitôt après et je n’avais que sa mémoire sur laquelle me rabattre. C’était suffisant.

    Lorsque j’ai rencontré mon Gourou, il m’a dit: «Tu n’es pas ce pour quoi tu te prends. Trouve ce que tu es. Surveille l’impression «Je suis», trouve ton Soi réel. » Je lui ai obéi, parce que j’avais confiance en lui. J’ai fait ce qu’il m’avait dit. Je passais tous mes temps libres à me regarder en silence. Et quelle différence cela a fait, et combien vite ! Çà n’a pris que trois ans pour réaliser ma vraie nature. Mon Gourou est décédé peu après que je l’ai eu rencontré, mais cela n’a fait aucune différence. Je me suis rappelé ce qu’il m’avait dit et j’ai persévéré.

    Q: (un visiteur différent) – Dites-moi s’il-vous-plaît, quel est le plus court chemin vers la réalisation ?

    M : Aucun chemin n’est court ou long, mais quelques personnes sont plus sérieuses et d’autres moins. Je peux te parler de moi. J’étais un homme simple, mais je faisais confiance à mon Gourou. Ce qu’il m’a dit de faire, je l’ai fait. Il m’a dit de me concentrer sur «Je suis» - je l’ai fait. Il m’a dit que j’étais au-delà de tout ce qui est percevable et concevable – j’ai cru. Je lui ai donné mon cœur et mon âme, mon attention entière et tout mon temps libre (je devais travailler pour garder ma famille en vie). La foi et l’application sérieuse m’ont amené à réaliser mon Soi en moins de trois ans. Vous pouvez choisir n’importe quelle façon qui vous convient, votre sérieux déterminera la vitesse du progrès.

    Q: Cela a dû être la grâce et le pouvoir de votre Gourou ?

    M : Ses paroles étaient vraies et ainsi elles se sont réalisées. Les mots vrais se réalisent toujours. Mon Gourou n’a rien fait ; ses paroles ont agi parce qu’elles étaient vraies. Quoi que j’aie pu faire venait de l’intérieur, sans demande et sans attente.

    Q: Le Gourou a débuté un processus sans n’en prendre aucune part?

    M : Dis-le comme tu préfères. Les choses arrivent comme elles arrivent – qui peut dire pourquoi et comment ? Je n’ai rien fait délibérément. Tout est venu de lui-même – le désir de laisser aller, d’être seul, d’aller à l’intérieur.

    Q : Vous n’avez donc fait aucun effort ?

    M : Aucun. Croyez-le ou non, je n’avais même pas hâte de me réaliser. Il m’a seulement dit que je suis le Suprême et puis il mourut. Je ne pouvais tout simplement pas ne pas le croire. Le reste s’est produit de lui-même. Je me suis vu changer – c’est tout. À vrai dire, j’étais étonné.

    Mais un désir de vérifier ses paroles se leva en moi. J’étais tellement certain qu’il ne pouvait avoir menti, que j’ai senti devoir réaliser l’entière signification de ses paroles ou bien mourir. Je me sentais assez déterminé, mais sans savoir quoi faire. Je passais des heures à penser à lui et à son assurance, sans argumenter, mais seulement en me rappelant ce qu’il m’avait dit.

    Q : Que vous-êtes-t-il arrivé alors ? Comment avez-vous su que vous êtes le Suprême ?

    M : Personne n’est venu me le dire. Ni même de l’intérieur. En fait, c’était seulement au début quand je faisais des efforts, que je passais à travers d’étranges expériences ; voyant des lumières, entendant des voix, rencontrant des dieux et déesses et conversant avec eux.

    Dès que le Gourou m’a dit : «Tu es la Réalité Suprême», les visions et les transes cessèrent et je devins très calme et simple.

    Je me sentis désirant et sachant de moins en moins, jusqu’à ce que je puisse dire dans un étonnement complet: «Je ne sais rien, je ne veux rien».

    Q : Étiez-vous réellement libre de désir et de connaissance, ou vous faisiez-vous passer pour un jnani (maître ascensionné) d’après l’image qui vous fut donné par votre Gourou ?

    M : On ne me donna aucune image, pas plus que j’en avais une. Mon Gourou ne m’a jamais dit à quoi m’attendre.

    Q : Plus de choses peuvent vous arriver. Êtes-vous à la fin de votre voyage ?

    M : Il n’y a jamais eu de voyage. Je suis, comme j’ai toujours été.

    Q : Quelle était la Réalité Suprême à laquelle vous étiez supposée parvenir ?

    M : Je n’étais pas désappointé, c’est tout. J’étais habitué à créer un monde et à le peupler – maintenant je ne le fais plus.

    Q : Où demeurez-vous alors ?

    M : Dans le vide au-delà d’être et de non-être, au-delà de la conscience. Ce vide est aussi plénitude ; ne me plaignez pas. C’est comme un homme qui dit : «J’ai fait mon travail, il n’y a plus rien à faire».

    Je ne vois aucune différence entre vous et moi. Ma vie est une succession d’événements, tout comme la vôtre. Je suis seulement détaché et vois le spectacle passant comme un spectacle passager, tandis que vous demeurez collé aux choses et vous vous déplacez avec elles.

    Ayant réalisé que je suis un avec, et cependant au-delà du monde, je suis devenu libre de tout désir et de peur. Je n’ai pas raisonné que je devrais être libre – je me suis retrouvé libre – subitement, sans le moindre effort. Cette liberté de désir et de peur est demeurée avec moi depuis lors. Une autre chose que j’ai remarquée est que je n’ai pas besoin de faire d’effort ; l’action suit la pensée, sans délai ni friction. J’ai aussi trouvé que les pensées deviennent auto-suffisantes : les choses tombaient en place doucement et correctement. Le changement principal fut dans l’esprit ; il devint immobile et silencieux, répondant rapidement, mais sans perpétuer la réponse. La spontanéité devint un mode de vie, le réel devint naturel et le naturel devint réel. Et  par-dessus tout, une affection infinie, un amour, sombre et tranquille, rayonnant dans toutes directions, enveloppant tout, faisant devenir tout intéressant et joli, significatif et prometteur.

    Q : Vous donnez une certaine date à votre réalisation, signifiant que quelque chose vous est arrivé à cette date.  Que s’est-il produit?

    M : L’esprit cessa de produire des événements. L’ancienne et incessante recherche s’arrêta – je ne voulais rien, n’attendais rien – n’acceptais rien comme m’appartenant.

     

    «Quand je regarde à l’intérieur et vois que je ne suis rien, c'est la sagesse.

    Quand je regarde à l’extérieur et vois que je suis tout, c'est l'amour.

    Et entre les deux ma vie s'écoule»

    Nisargadatta Maharaj

     

    Comparaison UCEM Shri Nisargadatta Maharaj

     

     


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  •  

    C’était le soir, j’étais dans ma chambre, allongé dans l’obscurité, et je tournais et retournais dans ma tête depuis un long moment, probablement depuis une demi-heure, la petite phrase du Cogito de Descartes: “Je pense, donc je suis”. Il m’avait semblé, dans les jours précédents, entrevoir une prodigieuse vérité dans cette petite phrase, et j’essayais de retrouver cette vérité entrevue dans un éclair. Je réfléchissais depuis très longtemps, en me répétant inlassablement: “je pense, donc je suis”, et en faisant chaque fois le voyage depuis la réalité vivante qui en moi-même correspondait à “je pense” et “je suis” jusqu’à ce que ces mots, pour les charger, dans la petite phrase, de leur vrai sens. En m’efforçant de penser le Cogito avec ma vie. C’était un travail très difficile, j’étais épuisé, le déclic qui m’aurait révélé la signification mystérieuse de la phrase ne se produit pas, mais, à un certain moment, un autre déclic, que je n’attendais pas, a dû jouer. [Un ressort secret qui devait être enfoui dans la conscience humaine depuis la Création, qui attendait son heure et que je viens d’effleurer par hasard.]. Et l’événement s’est produit, avec une soudaineté surnaturelle. 

    Et tout d’un coup je me suis retrouvé dans un avant, un commencement insoupçonné de moi-même, veillant d’une veille sans limite, me sachant — et me sachant me sachant — et me sachant me sachant me sachant: à l’infini, et m’éprouvant totalement identique à cette veille, cet abîme d’auto-conscience, qui n’était point chose qui m’était donnée, mais au contraire qu’essentiellement je ne subissais pas, faisais moi-même brûler. 

    [Et puis vlan! Quelque divinité, dans le royaume métaphysique, a tripoté un bouton, je me suis retourné comme un gant, et déjà cette chose insensée était là au milieu de moi, comme un membre vivant à la place d’une prothèse.] 

    A brûle-pourpoint, je glisse dans une lucidité sans nom, achèvement inouï de l’aurore qu’on nomme conscience de soi. Cette lumière n’est pas un état passivement subi: c’est un acte que désormais je sais accomplir. Elle n’est point non plus, à proprement parler, une expérience que je fais: elle est moi, elle est exactement Steve Jourdain.


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  • Ramana MaharshiA seize ans, l'adolescent futur Ramana Maharshi fut saisi par l'angoisse de la mort. Il s'allongea à même le sol : qu'est-ce qui se passe quand on est mort ? Le corps meurt, les pensées aussi... Que reste-t-il, enfin ? Grâce à une concentration intense dont il dira qu'elle dura plusieurs heures sur cette question totalement vitale : qu'est que la mort ?, il connaitra tout à coup l'illumination qui changera totalement sa vie.

    « Environ six semaines avant mon départ définitif de Madura, il se produisit dans ma vie un grand changement. Ce changement fut soudain. J'étais seul dans une des pièces du premier étage, dans la maison de mon oncle. Je n'avais été malade que rarement, et ce jour-là ma santé était excellente; mais je fus pris soudain d'une violente peur de la mort. Rien dans mon état ne la justifiait, et je n'essayai pas d'en découvrir la raison; je me contentai de l'éprouver. Je me disais: « Je vais mourir », et je me demandais que faire. Il ne me vint pas à l'esprit de consulter un médecin, ou l'un de mes amis. Je sentais qu'il me fallait résoudre moi-même le problème, et sur le champ.

    « Le choc causé par la peur de la mort forçait mes pensées à l'observation intérieure, et je me répétais mentalement, sans réellement formuler des paroles: « Maintenant que la mort est là, que signifie-t-elle ? Qu'est-ce que c'est que mourir ? C'est ce corps-là qui meurt! » Et aussitôt je dramatisais le fait de la mort. J'étais couché, les membres raides comme si j'étais mort réellement.

    J'imitais la situation d'un cadavre pour donner à mon enquête une réalité plus grande. Je retenais ma respiration, et serrais les lèvres pour qu'aucun son ne put s'en échapper, pour m'empêcher de prononcer le mot « je », ou tout autre mot. « Bon! me disais-je, ce corps est mort. On l'emportera complètement rigide au lieu de sa sépulture, où on le brûlera et le réduira en cendres. Mais suis-je mort par cette mort de mon corps ? Mon corps est-il « moi » ? Il est silencieux et inerte, mais je sens la pleine force de ma personnalité, et j'entends même la voix du « moi » au fond de mon être. Je suis donc un esprit qui transcende le corps. Le corps meurt, mais l'esprit, transcendant le corps, ne peut être touché par la mort. Ce qui veut dire que je suis un esprit immortel. »

    « Ces pensées n'étaient pas obscures et ternes. Elles jaillissaient en moi telles d'éclatantes vérités, que je percevais directement sans que mes activités cérébrales fussent en jeu. Le « moi » était donc quelque chose de très réel, la seule chose réelle dans mon état présent, et toute l'activité consciente de mon corps se concentrait sur ce « moi ». Depuis cet instant, la puissance fascinante de ce « moi » se plaça au cœur même de toute mon attention.  

    « La crainte de la mort avait disparu, et pour toujours. L'absorption dans le « moi » se poursuivit sans interruption. D'autres pensées passaient et disparaissaient, pareilles à diverses notes de musique, mais le « moi » demeurait comme la note fondamentale, sous-jacente à toutes les autres notes, et se confondant avec elles.

    http://temoignagesdeveil.free.fr/ramanamaharshi.htm


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