• Le Mahâsiddha Naropa

    Le Mahâsiddha Naropa

    La vie de Naropa rappelle très fort les douze étapes de la vie du Bouddha. Un bodhisattva du plus haut niveau , le futur Naropa réalisa que le temps était venu d'entrer dans la vie humaine qui lui apporterait l'illumination complète. Dans la clarté de sa méditation, il put voir son futur père, le roi bouddhiste Santivarman, qui désirait un fils, et qui présentait lui-même certains signes physiques d'un être illuminé. Sa future mère rêva de vacuité et d'une félicité qui en serait inséparable, ainsi que d'une lumière qui remplissait tout le pays. Un peu plus tard, Naropa naquit, son corps portait les marques d'un futur Bouddha. La terre trembla, de nombreux arcs-en-ciel apparurent, et l'éclair tonna. C'était à peu près l'an 1016, au Bengale.

    A huit ans, dégoûté par la mondanité, il s'en alla étudier le dharma au Cachemire. A onze ans, il était devenu un brillant érudit. De retour dans son pays, le jeune prince enseigna l'éthique bouddhiste à son peuple. Son esprit sans désirs était voué au Bouddhisme, et relativement satisfait. A l'âge de dix-sept ans toutefois, il fut virtuellement obligé de se marier par ses parents, qui désiraient un héritier. Sa femme devint sa disciple, et, à l'âge de vint-cinq ans, il renonça définitivement au monde et devint un moine novice. Il devint un bhikkhu à vingt-et-un ans. Celu qui avait été l'enfant royal étudia prodigieusement au monastère de Pullahari et finalement, sa renommée le mena à devenir abbé du grand monastère de Nalanda. Son irradiation personnelle inspira de nombreuses personnes sur (et vers le) chemin. Il fut l'abbé idéal.

    Après quelque huit ans, il eut toutefois la vision d'une vielle sorcière lépreuse "aux 37 vilaines caractéristiques" qui l'informa de ce qu'il était attristé parce qu'il ne comprenait les enseignements que d'une manière intellectuelle, non réelle. Il réalisa qu'il voyait le reflet de ses propres 37 impuretés mondaines, et déclara :

    "Le samsara c'est voir la faute chez les autres"

    Il sut qu'il était temps de tout quitter et de se mettre à la recherche de son gourou, afin de compléter son illumination. En dépit des nombreuses suppliques de tous ceux qu'il laissait, il quitta Nalanda à l'âge 42 ans. Il s'ensuivit une longue série d'épreuves au cours desquelles il rencontra constamment des phénomènes étranges, symboliques de ce qu'il lui restait de ses propres blocages, dus aux idées préconçues qu'il avait à propos de la réalité ultime. C'étaient souvent des phénomènes d'apprentissage importants et douloureux, qui représentaient le dénouement de noeuds karmiques. Au cours de chacun de ces épisodes, il eut de brefs éclairs de la vision de son gourou, qui lui indiquaient ses erreurs. En fait, sous une forme ou l'autre, son gourou, Tilopa, avait été avec lui, depuis qu'il avait vu la vieille femme lépreuse, et à la fin de ces premières épreuves, ils se rencontrèrent. Le premier véritable enseignement que Naropa reçut de Tilopa consitait à ne rien dire, mais en un puissant dialogue des esprits, qui lui montra douze actes sympboliques, que Naropa interpréta chaque fois correctement. Tilopa lui donna alors des autorisations et des enseignements personels, préparant le terrain à ce qui allait suivre.

    "Ne recherche pas la félicité, ni son opposé".

    Les douze enseignements principaux vinrent ensuite. Chacun d'eux montre un contact profond entre Naropa et Tilopa, ce qui signifie, en réalité, entre Naropa et la pureté de son propre esprit. Chacun comence par une épreuve douloureuse, à l'instigation de Tilopa, qui révèle une faiblese en Naropa, et pour laquelle un enseignement est donné, et puis pratique pendant environ un an. Par exemple, au cours de la première épreuve, Tilopa donne à Naropa l'instruction de grimper sur le toit d'un temple et d'en sauter. Fidèlement, Naropa fait exactement ce qui lui est ordonné. Son gourou soigne alors son corps accidenté de sa bénédiction, et lui donne les enseignements connus en tant que "le joyau qui réalise les souhaits". Les douze enseignements, dont la plupart dont devenus depuis le coeur de la transmission intérieure kagyu sont :

    1. Le "joyau qui exauce les désirs", une forme très complète de purification, 
    2. "Même goût", qui démontre la présence de l'essence illuminée en tout et en toutes choses, 
    3. Accomplissement : maintenir une relation pure (samaya) avec le gourou, chaque chose et chacun, 
    4. Tummo: la purification du corps subtil intérieur des chakras et des nadis, 
    5. Le yoga du corps illusoire : amener la sagesse dans la perception de la réalité de quelqu'un. 
    6. Le yoga des rêves : comment comprendre et maîtriser les rêves, et le yoga du rêve : comment comprendre et maîtriser les rêves, les utiliser pour purifier le karma et pour développer l'action illuminée, 
    7. Le yoga de la lumière radiante, 
    8. Le transfert de conscience en particulier au moment de la mort (powa), 
    9. La résurrection, 
    10. Le yoga de la grande félicité : le contrôle de l'énergie sexuelle et la réalisation de l'essence commune du samsara et du nirvana, de la douleur et de la joie. C'est en maîtrisant cet enseignement qu'il reçut le nom de Naropa. 
    11. Le mahamoudra, et 
    12. Le yoga de la "phase transitoire" (bar.do): enseigner comment être illumnié dans chaque phase de l'existence : la vie, la mort, l'après-mort etc. 
    Par la maîtrise de ces douze enseignements, l'esprit de naropa devint à peu près identique à l'esprit éclairé de son gourou Tilopa, qui le renvoya afin de méditer plus et d'aider tous les êtres. Naropa fit ceci pendant un certain temps, réalisant de nombreux miracles, et retourna finalement vers Tilopa qui ôta les derniers restes, les dernières traces d'impuretés de l'esprit de Naropa, en particulier le sentiment final d'un besoin de méditer, en lui révélant, dans toute sa plénitude la purité innée de l'esprit depuis des temps sans commencement. Naropa déclara alors : 
    "On n'a plus besoin de demander lorsqu'on voit la vraie nature".

    Pleinement illuminé, il devint connu en tant que "second Bouddha" forgea de nombreux bénéfices à de nombreux êtres. En particulier, Tilopa lui donna instruction d'amener Marpa, le Tibétain, à l'illumination. Par Naropa et Marpa, le "tantra-père" le Guhyasamaja parvint au Tibet, ainsi que la transmission extrêmement pure d'autres tantras, comme le Chakrasamvara.

    Naropa disparut, littéralement à Pullahari, son corps illuminé s'évanouissant dans la vacuité parmi desmyriades d'arcs-en-ciel, et une belle musique céleste. Sa vie fut un exemple important du pouvoir de la foi, la foi étant une qualité essentielle pour la voie rapide du mahamoudra dans le bouddhisme Kagyu. En suivant à la perfection l'avis de son gourou, et en maintenant les instructions qu'il a données, il acheva son voyage vers l'illumination.