• Nouveau Nouveau Nouveau Monde Chapître 3

    III

     

    • Où vas t’on ? Demanda Claudine après quelques minutes. Son timbre de voix laissait passer quelques inquiétudes mais sa dérive intérieure ne lui permettait pas d’infléchir la situation. Elle voulait croire profondément au message de la voyante et elle était là, avec cet homme qu’elle ne connaissait pas. Il l’emmenait probablement chez lui. Le risque était total. Dans une autre situation avec un autre homme la conclusion de ce style d’aventure était archi-connu. On couche et on voit ce qu’il se passe. C’est bien ou ce n’est pas bien. On se ramasse où une aventure commence.

    • Chez moi répondit Philippe

    • Pourquoi ?

    • Je ne le sais pas encore, dit-il

    • Et si je ne veux pas aller chez vous.

    • Vous n’avez rien à craindre mais je peux vous conduire ailleurs si vous le souhaitez.

    Claudine ne répondit pas.

     

    L’appartement était vaste et sobre, le lit était grand et blanc, l’homme avait une odeur chaude, il l’embrassa. Elle se déshabilla seule, se glissa nue sous le drap, l’homme l’enlaça. Le désir devint très fort, l’homme était doux et entreprenant. Lorsqu’il la pénétra, elle s’abandonna sans restriction. L’homme sut la conduire au plaisir et l’ultime ascension projeta Claudine dans une sphère de lumière, elle était la boule de lumière. Le temps s’étira. Elle ne rêvait pas, elle ne dormait pas. Tout ses sens étaient en parfaite réceptivité. Ils ne parlaient pas.

    Longtemps après, elle tourna son visage et le regarda longuement. Etait-ce un Dieu ? Un sage ? Etait-il vraiment humain ? Ces questions passèrent dans son esprit puis s’en allèrent. L’homme semblait dormir, tout en étant pleinement présent. Il n’était plus en elle, mais son passage avait produit un don au prix dans l’instant inestimable. Elle s’endormit au petit jour.

    Le matin fût sans surprise, il était toujours là, il lui glissa à l’oreille que leur union avait déclenché en lui quelque chose d’inoubliable, malgré le peu d’heures de sommeil, il se sentait fort et frais. Claudine avait retrouvée la vibration, plus forte et plus présente qu’avant leur rencontre. Elle ne se sentait pas avoir été utilisé et n’avait pas le désir de préciser les choses. La relation était étrange mais évidente. Lorsqu’il la reconduisit au bureau de production, elle était pleine d’assurance et n’avait échafaudée aucun plan pour expliquer son retard et le rayonnement de son visage. Elle avait connu l’amour et plus encore avait baignée dans la lumière. Et si j’étais enceinte pensa-t-elle ? Cette idée la rendait encore plus heureuse. Elle se mit au travail avec plaisir.

    Emeline comprit tout de suite en l’observant ce qui c’était passé. Leur regard se croisèrent et Claudine réalisa qu’elle avait comprit.

    Emeline la laissa à son bonheur, elle souhaitait vérifier son intuition mais il lui paraissait terriblement dommageable de l’aborder en midinette désirant partager les détails de la rencontre. Peu avant la pause repas, Claudine lui chuchota : « Merci, de m’avoir invité dans cette aventure, je te raconterai. » Emeline en fût surprise car Claudine n’était pas du genre à parler de son intimité, c’était donc que la rencontre appartenait à l’aventure collective qui avait commencé par ce fameux mèl.

    Ce soir le tirage du loto allait confirmer l’affaire et il faudrait bien orchestrer la proposition de passage à l’émission pour que l’objet même du premier courriel se réalise.

     

    Sylvie était présente pour ce troisième rendez-vous chez Emeline, l’atmosphère était différente des autres jours. Le ton rieur et potage qui lors de leurs précédentes rencontres avaient dominé les soirées avait laissé la place à une certaine gravité ou plutôt une gravité certaine. En effet, si le don de Philippe se confirmait, la stratégie à mettre en place pour conduire l’homme et son don devant les caméras et dans l’étrange lucarne cathodique était à définir. Tout le groupe était là, bien avant que les boules jaunes s’agitent dans leur prison transparente, le son du téléviseur était coupé, ce qui rendait comme toujours ridicule, les déambulements des acteurs de pub. Saucisses, voitures, cafés étaient sur le même rang. Sylvie se rendait bien compte de l’absurdité du monde qui défilait muettement devant leurs yeux. Impulsivement, alors que plusieurs discussions se tenaient en parallèle, elle dit : vous savez ce qui va changer si ce soir Philippe confirme ses prédispositions, Ce que vous voyez sur cet écran, n’aura plus aucun sens, car cet homme à en lui la connaissance de la vie, et du devenir de l’homme. L’humanité va amorcer un virage tel un énorme paquebot, et c’est lui qui va permette que le virage se décide. Il n’est pas un homme de pouvoir, il est un témoin du pouvoir de la création. Sylvie s’étonnait du ton péremptoire qu’elle avait employé. « Je me prends pour St-Jean Baptiste annonçant la venue de Jésus » pensa-t-elle ironiquement. Ce qui l’avait dérangé l’autre fois, c’est qu’elle avait ressenti en elle une volonté farouche qu’elle ne connaissait pas de lutter à mort contre cet homme et ce qu’il représentait.

    La pression monta d’un coup lors du générique, personne ne disait mot, le temps devint immobile. Claudine fermait les yeux, Issa avalait l’écran du regard, Emeline pensait que son écran était bien petit pour tout ce monde.

    Au premier tirage, l’information était bonne, Rachel tremblait, et Grégoire lui tenait la main. Entre les deux tours, il n’y eu pas plus de bruit. Claudine était sûre du résultat, elle pensait à la sphère de lumière et à l’éventualité de raconter son aventure au groupe.

    Puis vint le second tirage, Issa jaillit de son siège tel un supporter de foot marseillais et poussa un grand et fort yeah !! Les commentaires fusèrent : c’est incroyable, fantastique, impensable, extraordinaire …

    Claude se demandait comment s’en sortir de cette histoire, et fit part au groupe de ses interrogations. En bon rationaliste, il décrivit un ensemble d’hypothèses pour anticiper la suite de l’aventure. Le désir premier du peintre était de passer à l’émission, le groupe devait s’organiser pour rendre la chose possible.