• Dzogchen

    Le Dzogchen (tibétain : རྫོགས་ཆེན་, wylie : rdzogs chen, contraction de rdzogs pa chen po; sanskrit : Mahāsandhi ou Atiyoga), « grande perfection » ou « grande complétude », est un ensemble d'enseignements et de techniques d'éveil spirituel du bouddhisme tibétain, basée sur des transmissions à l’origine ésotériques des courants bön, nyingmapa, et Drikung Kagyu, et adopté à titre personnel par de nombreux maîtres d'autres lignées comme les 5e13e et 14e dalaï-lama ; elle a aussi inspiré le 3e Karmapa. Elle est également connue sous le nom d'ati-yoga(yoga extraordinaire) ou Mahā-ati.

    Symbôle du bouddhisme Dzogchen

    Cet enseignement, tout comme le mahamudra (gelugpa, sakyapa et kagyüpa), prétend se situer au-delà dessutras et des tantras, et donc constituer un véhicule (yana) en soi, au-delà des trois véhicules traditionnels (hīnayāna, mahāyāna, vajrayāna), qu'il peut toutefois utiliser comme des moyens auxiliaires. Son principe est l'autolibération spontanée des passions et non leur transformation comme dans le tantrisme. Il présente par là certaines analogies avec le chan, qui d’ailleurs tenta de s’implanter au Tibet avant d’en être chassé, comme le relate le concile de Lhassa. On pourrait dire que le dzogchen est au bouddhisme vajrayāna ce que le subitisme est au gradualisme dans le mahayana, une voie directe, située au-delà des causes et des effets.

    Principes fondamentaux

    Le point de vue dzogchen sur l'opposition fondamentale dans le bouddhisme entre nirvāna et saṃsāra est que cette opposition est, comme toutedualité, relative et susceptible d'être transcendée, il serait donc inutile de vouloir quitter le samsara et de rechercher le nirvana. Il s'intéresse plutôt au point-clé de la co-émergence (sahaja) du samsara, du nirvana, et de celui qui l'expérimente (le sujet, l'ego), en entraînant son esprit à la présence vigilante, qui en permet la prise de conscience à l'instant même où elle se produit.

    Un esprit ainsi orienté est dit reposer dans la base. Celui qui ne quitte jamais la base est un Bouddha: il n'offre pas de prise au samsara lui permettant de se solidifier, autre façon de dire qu'il est libre de karma et toutes les formes d'illusions et d'attachements se libèrent spontanément, manifestant la vitalité de la bouddhéité intrinsèque, innée.

    La pratique du dzogchen est donc présentée comme un non-agir, la rapprochant du zen et du taoïsme.

    « Le Dzogchen, ou Grande Complétude, est bien connu comme le système de pensée et de pratique le plus révéré parmi les anciennes traditions Bouddhistes et Bön du Tibet. Dans ces traditions la « nature de l'esprit » (sems nyid) est à la fois le but de la pratique et son point de départ. Étant entièrement sans artifice [uncontrived], elle ne s'améliore pas dans l'éveil, ni ne devient déficiente dans le saṃsāra. Toujours présente en tous les êtres, elle est la condition naturelle (gnas lugs) de chaque esprit. L'éveil est simplement la pleine évidence (mngon du gyurpa, abhimukhi) et expérience (nyams myong, anubhava) de cette condition fondamentale. »

    Sogyal Rinpoché déclare:

    « Le Dzogchen n'est pas seulement un enseignement, ou une autre philosophie, un autre système complexe, un ensemble séduisant de techniques diverses. Le Dzogchen est un état, l'état primordial même, l'état d'éveil total qui constitue l'essence du cœur des tous les bouddhas et de toutes les voies spirituelles ainsi que l'apogée de l'évolution spirituelle de tout individu3. »

    Selon Philippe Cornu :

    « Avant tout, [le Dzogchen] est la grande perfection de la nature de Bouddha qui demeure en chacun des êtres, c'est-à-dire l'état naturel véritable, tel qu'on le découvre quand se dissipe l'ignorance. Cette perfection à laquelle on ne peut rien ajouter ni retrancher est la simplicité fondamentale de l'éveil, libre et sans complications. Cet état, appelé rigpa en tibétain, est à la fois primordialement pur et spontanément accompli. Sa pureté primordiale signifie qu'il n'a jamais été souillé ou affecté par quoi que ce soit, qu'il est au-delà de tout concept et jouit de la liberté naturelle depuis toujours. »

    Origine

    La tradition nyingma considère que Padmasambhava et surtout Vimalamitra en sont les principaux propagateurs ; le traducteur Vairotsana, l’un des sept premiers moines ordonnés par Shantarakshita, fut également à l’origine de deux lignées désormais éteintes. Selon la tradition bönpo,Tonpa Shenrab Miwoche apporta cet enseignement au Tibet. Pour ces deux courants, la transmission du dzogchen remonte aux origines. Pour les historiens, les détails des débuts du bouddhisme dans les royaumes himalayens sont mal connus, et la genèse exacte du dzogchen reste un mystère. Les tout premiers écrits apparaissent au début de la deuxième transmission du bouddhisme au Tibet, sous forme de textes prétendument cachés durant la période du viiie au xie siècle, durant laquelle les différentes lignées religieuses sont pourchassées tour à tour. Ces termas, « trésors cachés », commencent à reparaître alors que la situation semble se stabiliser quelque peu : la tradition indienne (népalaise, cachemiraise) a éliminé le chan chinois et pris le dessus sur le bön local.